vendredi 29 février 2008

CAMEROUN • C'est le moment de tirer la sonnette d'alarme

Courrier international 28/02/08 >lien
Au Cameroun, les manifestations contre la vie chère et la réforme de la Constitution qui devrait permettre au président de rester au pouvoir après 2011 ont fait au moins 17 morts. Le directeur du Messager craint une descente aux enfers

1 commentaire:

le minot de Bruxelles a dit…

CAMEROUN • C'est le moment de tirer la sonnette d'alarme

Au Cameroun, les manifestations contre la vie chère et la réforme de la Constitution qui devrait permettre au président de rester au pouvoir après 2011 ont fait au moins 17 morts. Le directeur du Messager craint une descente aux enfers.



Le président camerounais Paul Biya
AFP


Ce que le quotidien Le Messager redoutait commence à se vérifier. Jour après jour, la violence monte d'un cran lors des accrochages entre les populations et les forces de l'ordre. Si l'on n'avait déploré jusque-là que des blessés plus ou moins graves et des dégâts matériels importants, Douala [la capitale économique] a enregistré ses premiers morts ce week-end [les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants ont fait au moins 17 morts depuis le samedi 23 février].

Comme à Bépanda la semaine dernière, les forces de l'ordre ont chargé à balles réelles, avec l'aval de l'administration, sur la foule de manifestants mercredi 27 février, faisant deux victimes au quartier dit de Dakar [à Douala] où l'opposition avait programmé un meeting de protestation contre la modification de la Constitution [qui pourrait permettre au président Paul Biya de briguer un nouveau mandat en 2011].

Comme on le voit, la situation commence ainsi à prendre des proportions inquiétantes, de nature à rappeler les fameuses années de braise [années 1990], et notamment celle des "villes mortes", où l'on avait, à en croire l'opposition de l'époque, enregistré entre 200 et 400 morts. Suffisant, en tout cas, pour tirer sur la sonnette d'alarme.

"A hungry man is an angry man" [un homme affamé est un homme en colère], disent les Anglo-Saxons. L'utilisation de cet arsenal intervient dans un contexte de mécontentement quasi généralisé. D'une part, parce que la vie devient de plus en plus chère alors que le pouvoir d'achat stagne depuis au moins deux décennies, et d'autre part, probablement parce que la majorité des Camerounais ne veulent pas d'une modification de la Constitution pouvant permettre à Paul Biya, accusé d'être à l'origine des nombreux maux qui minent le pays et rendent la vie si dure, de pouvoir briguer un nouveau mandat à la tête de leur pays.

Or cette manière de répondre à leurs récriminations peut suggérer des idées du genre : "Déjà on ne mange pas à notre faim, on ne peut pas envoyer nos enfants à l'école ou les soigner, et maintenant on ne peut même plus parler ou marcher !" En tout cas, cette répression sauvage qu'on oppose à l'ardent désir du peuple de s'exprimer à sa manière (pacifique) sur une question aussi essentielle que la modification de la Loi fondamentale de notre pays, est de nature à faire exploser des frustrations longtemps accumulées.

Et le spectacle de ces enfants de 8 à 12 ans se faufilant dans les quartiers pour ravitailler en pierres, gourdins et autres morceaux de bois leurs aînés du "front" montre bien comment une nouvelle génération de contestataires est en train de se former sous nos yeux ; une véritable armée d'enfants soldats que nous risquons d'avoir du mal à contrôler demain, alors que nous les aurons préparés à cela en utilisant nos armes pour réduire au silence leurs parents aux mains nues.


Pius Njawe
Le Messager